VDM. Aujourd’hui, j’ai réalisé une Interview au cours de laquelle je me suis rendue compte que je n’avais pas le bon visuel pour la pochette de l’album et que j’étais la seule à ne pas avoir reçu l’album.
Puisque les 3 Bruxellois de Puggy m’en donnent le feu vert, partons à leur découverte dans une interview haute en couleurs.
La pochette de votre nouvel album « Colours » affiche des teintes très printanières ; la mélodie du premier single est plutôt légère. Quel contraste avec les paroles lourdes de sens !
Romain : La pochette que tu as vu, c’est celle du single. La pochette de l’album va être encore différente mais on ne l’a toujours pas, en fait ! Donc non, effectivement, on voulait quelque chose de frais. Généralement, on n’explique pas les textes car on préfère que les gens se les approprient. Chacun interprète les textes à sa façon. Et du coup, c’est con de dire, ça veut dire ça alors qu’ils s’imaginent d’autres trucs chez eux. Donc, ça on ne le fait jamais. Non mais généralement, dans nos textes, il y a toujours cette espèce de dualité, de contraste entre une mélodie très pop et des paroles qui sont complètement sarcastiques ou cyniques. C’est vrai qu’on apprécie beaucoup même si je trouve que sur ce disque, on a moins joué avec ça que dans les précédents albums.
Ziggy : Il n’est pas très cynique comme album.
Matthew : Non, il est plutôt optimiste, plus que les deux derniers en tout cas. En fait, on a fait l’inverse. Avant, les mélodies étaient plus chaleureuses, plus joyeuses et les textes restaient sordides. Maintenant, les musiques ont tendance à être plus sérieuses (en tout cas, moins joyeuses) et les textes sont plus optimistes en règle générale. En fait, c’est comme ça que moi je le dis. De nouveau, comme Romain dit, nous on les a créés, on ne peut pas se les approprier pour la vie. C’est ça la magie de la musique ! On rêve de faire la BO de la vie des gens. C’est ça qui est cool. Donc, maintenant c’est aux gens de dire « ah, ce morceau il me fait penser à ce week-end que j’ai passé avec une femme ».
Romain : Moi, je me souviens toujours que quand j’étais jeune, je ne parlais pas bien anglais et il y avait des groupes dont j’adorais les textes qui voulaient vraiment dire quelque chose avec le peu de mots que je comprenais et au moment où je commençais vraiment à lire le texte, à regarder les paroles officielles. Ah bah non, ça ne voulait pas du tout dire ce que je pensais et parfois, ça ruine la magie d’un morceau.
En parlant de BO, il y a un grand moment dans la vie de chacun. Savez-vous qu’on se marie sur vos morceaux et que plus particulièrement « How I Needed You » et « I do » retentissent dans les églises ?
Matthew : Oui oui, moi j’étais au courant. On a reçu un peu de courrier à ce niveau de gens qui nous demandaient parfois de passer au mariage. Bon, c’est un peu compliqué. Je sais qu’il y a eu une proposition de mariage en concert pendant « How I Needed You ». On avait reçu un mail. C’est hyper touchant ! Et aussi, je sais qu’il y a eu des danses. Quelqu’un avait posté une vidéo sur Youtube de la première danse de leur mariage sur « How I Needed You », je crois. Donc ouais, c’est génial ! Maintenant, à nouveau, on parlait des textes : « How I Needed You » n’est pas un morceau joyeux du tout mais je n’ai plus envie de parler de l’histoire du morceau parce qu’il a une vie plus élégante quand il est approprié par d’autres gens. Alors que dans ma tête, ce n’est pas un bel endroit à visiter. Donc, cette vie positive et joyeuse, c’est mieux ! Alors maintenant, j’espère qu’ils ne vont pas tous divorcer !
Il y a la psychologie des couleurs en marketing. Je ne sais pas si vous la connaissez ?
Matthew : Non, ça ce n’est pas notre métier !
Quelle signification se cache derrière les couleurs de la pochette du single ?
Romain : Ce qui est important dans les couleurs du single, c’est que ça contraste avec ce qui avait été fait avant. Et justement, ça donne un sentiment de fraîcheur, de renouveau. On voulait quelque chose de très flashy.
Matthew : A mon avis, il y a une équipe de mecs dans un monde atemporel qui se sont mis autour d’une table et qui ont essayé de comprendre comment on fonctionne. Ils ont essayé de se dire que tous les êtres humains sont des robots. Tu sais, quand tu prends une ligne narrative, tu arrives au bout et quand tu es au bout, tu regardes à nouveau l’histoire qui s’est déroulée et tu arrives à tout expliquer. Et bien, ça, ça ne marche jamais ! Ça ne peut pas fonctionner comme ça. C’est un truc très classique du monde de la pub qui essaie désespérément de te vendre beaucoup plus de choses dont tu n’as vraiment pas besoin. La couverture du disque, on trouait ça très élégant, très accrocheur. On a trouvé ça très joli et que ça illustrait vraiment bien. Maintenant, ce n’est pas improbable qu’il y ait des éléments de ça dedans à un niveau inconscient mais de là à te dire qu’on s’est délibérément assis autour d’une table en disant : « On peut exprimer la confiance avec le bleu »…
Ou qui se cache derrière chaque couleur dominante que sont le bleu, le vert et l’orange ?
Matthew : Ecoute, c’est quoi la couleur « paranoïaque », « ne comprend pas la question » ?
Romain : Moi je suis belge. Je dois être « prudence, lâcheté, optimisme, bonheur » : jaune !
Matthew : Le violet. Ca a toujours été une couleur que j’aime particulièrement bien. « Magie », « secret ». Mais c’est comme l’astrologie, je t’avoue, j’ai du mal.
Apportons un peu de vert à cette interview… Quel est votre geste écolo ?
Romain : Ecoute, en Belgique, parce que j’ai de sais qui habitent à Paris, là-bas, le recyclage est dans les mœurs depuis quand même très longtemps. Pour nous, c’est normal. C’est quelque chose qu’on fait tous les jours de manière vraiment spontanée. Après, moi, je ne sais pas pourquoi, je fais une fixation sur l’eau : j’essaie toujours de dépenser le moins d’eau possible. Je ne sais pas pourquoi…
Matthew : Moi, je suis très transports en commun, je ne mange pas de viande et on recycle à la maison aussi.
Ziggy : Moi, je mange de la viande. (rires) Déjà, en Suède, il y a beaucoup de nature. Les gens prennent plus soin de la nature qu’ici. Donc, j’adhère plutôt à ces valeurs-là. Ça m’énerve au plus profond de moi quand les gens ne respectent pas la nature ou la propreté des rues.
Entre le végétarien et le carnivore, derrière les fourneaux, êtes-vous plutôt cordon bleu ou fast-food ?
Matthew : Moi je suis anglais, je crois que c’est clair ! (rires)
Romain : Moi, je suis les deux. J’aime de temps en temps un petit fast-food.
Et tu passes aussi derrière les fourneaux ?
Romain : Ah oui, bien sûr !
Ziggy : Moi, je ne suis pas très fast-food.
Romain : Enfin, je passe derrière pour réchauffer au micro-ondes !
Quel est votre film préféré contenant un adjectif de couleur ?
Matthew : Ah, il y a « Blue Velvet » de David Lynch. J’ai vu ça quand ils l’ont repassé au cinéma. Il y a un passage génial où tu te rends compte qu’il est en train de pointer toute la salle du doigt. En fait, le côté voyeuriste est complètement renversé au milieu du film. C’est vraiment un très très beau film. Il y a aussi « La Couleur pourpre » mais c’est plutôt le bouquin. Ah, « A Clockwork Orange » ! « Orange mécanique ». Vous n’y aviez pas pensé à celui-là ?!
Ziggy : Il y a aussi « La Vie d’Adèle », en anglais « Blue Is the Warmest Colour ».
Matthew : « Orange mécanique », « Blue Velvet », c’est cool, c’est quand même deux films bien violents !
On ne croirait pas comme ça !
Matthew : On est quand même très cinéphiles à la base.
Si vous étiez un peintre, vous seriez… ?
Matthew : Euh… Je me demande si je ne serais pas Jackson Pollock. Je travaille très très vite généralement quand je compose et ça peut partir dans tous les sens. Ça, c’est ma lecture de Pollock. Ce n’est peut-être pas comme ça que tout le monde le voit. Mais c’est frénétique, ça va très vite, il y a plein d’idées… Stop ! Et puis, je regarde : « Ah oui, c’est bien ! » ou ça va à la poubelle. Pour moi, tout doit être très instinctif. Souvent, les idées viennent quand je marche et il y a un truc qui se passe un peu derrière, je le sens, ça commence à venir. Alors, très très vite, soit je m’installe derrière un instrument soit je sors mon téléphone. En fait, ça doit arriver à ce moment-là. Maintenant, l’arrangement et la construction, ça peut prendre un an ! Ce n’est pas le problème. D’ailleurs, c’est arrivé sur ce disque. Il y a des morceaux qui ont pris très longtemps à finir. Mais les idées, les couplets, les refrains, l’idée de la structure, de comprendre le narratif, là où il doit aller, ça, ça doit arriver là, au moment parce que ça se perd très très vite. C’est un sentiment. C’est un mouvement chimique dans tout ton corps, dans ton esprit. Tu vas exprimer quelque chose et ce mélange exact, cette recette n’existera qu’à ce moment-là. Après, ça change, il y a une lumière différente dans la pièce, quelqu’un t’a parlé, tu réfléchis à autre chose… Il y a une petite fenêtre où ton inconscient essaie d’exprimer quelque chose… Ça doit aller très très vite. Et généralement, là, j’ai la mélodie, la base. Les textes ne sont pas finis mais il y a la construction. Il y a déjà le squelette de la chose. Et puis ça peut prendre six mois à trouver les bons tons, à réinterpréter cette pensée initiale.
Squelette musical ou textuel ?
Matthew : Ça peut être l’un ou l’autre. Moi, j’ai tendance à travailler d’abord les mélodies. Et généralement, il y a les mots, il y a déjà une idée parce qu’il y a un sujet. Et puis le texte me prendra beaucoup plus longtemps. Mais ça peut arriver que le texte soit quasiment fini instantanément. J’ai un bon ami à moi qui avait dit une fois lors d’un concert : « on va vous jouer un morceau qui nous prendra plus de temps à jouer qu’il ne l’a pris à écrire ». Et autant il l’avait dit comme une blague mais c’est un truc qui est très vrai aussi. C’est John de Papa Dada en Belgique. Ce n’est pas grave… C’est vrai qu’il y a des morceaux, les jouer, ça dure 3 minutes 30 mis les composer, ça peut prendre 30 secondes parce que tu as déjà tout. Je vais faire un morceau qui dit ça, dans ces couleurs-là, j’ai déjà trois-quatre mélodies qui vont et puis c’est juste l’arrangement. Après, c’est ce qu’il reste à faire.
Ziggy : C’est vraiment difficile. J’aime assez bien ce qui est art moderne. Même si je ne suis pas hyper fan, quelqu’un comme Yves Klein [pour résoudre le dilemme de la prononciation, il était français]. C’est quand même super intéressant comme travail. Justement, on va prendre comme exemple le fameux bleu. Juste le fait de passer beaucoup de temps sur quelque chose pour arriver à un résultat jamais obtenu en restant dans ce qu’on voit tous les jours. C’est juste un dérivé des autres bleus qu’on n’a jamais vu. Je trouve ça assez inspirant de faire du nouveau avec si peu. Je trouve le concept fascinant.
Romain : Je ne connais pas trop leurs méthodes de travail mais dans les idéaux, je dirais Warhol. Je trouve que c’était quelqu’un qui était vraiment le crossover entre le peintre, le designer et le graphiste. Malgré tout, contre vents et marées, il s’est toujours battu pour faire son truc et il est resté sur sa ligne, très fort. Après, je ne sais pas si je m’identifierai à la façon dont il travaillait mais c’est quelqu’un que je respecte beaucoup pour la façon dont il a influencé quasiment un milieu entier.
Un remède lorsque vous broyez du noir ?
Romain : Ça a l’air assez raciste comme question ! (rires pour ce moment d’anthologie !)
Matthew : Moi, je dirais que j’attends que ça passe. Généralement, c’est mieux que je ne me mette pas dans un endroit avec d’autres gens. Non, il vaut mieux me laisser tranquille !
Romain : Je ne sais pas s’il y a un remède pour ça… Tu réagis différemment.
Ziggy : Je pense que ça dépend beaucoup des circonstances. Moi, j’aime bien sortir pour me changer l’esprit.
Vous nous avez habitués à cela avec vos précédents succès, êtes-vous toujours un peu fleur bleue ?
Matthew : Moi, je n’ai jamais considéré que ce qu’on faisait était romantique. Dans ton couple, tu peux être romantique. Ça, je le conçois. Tu ne peux pas être romantique dans ce que tu fais. C’est mon opinion. Le jour où tu dis, en dehors de ta relation amoureuse : « Aujourd’hui, je vais faire quelque chose de romantique », à moins de travailler dans l’industrie de la Saint-Valentin, tu te plantes ! Si tu parles italien, tu peux peut-être faire une chanson romantique. Mais il y a un marché dont il faut qu’on parle à la maison de disques… pour les mariages !
Romain : On a gardé ce côté mélodique. Comme disait Matthew, la mélodie, c’est vraiment une partie essentielle de la composition. Tu vas toujours t’y retrouver, je pense. Mais c’est vrai que le disque est assez différent de ce qu’on a fait avant. C’est aussi une volonté de faire quelque chose de nouveau pour nous, pour ne pas toujours être dans la même vague de choses. Donc, c’est assez différent mais on retrouve toujours la patte Puggy.
Matthew : La musique, c’est un langage à émotions. Pour moi, le langage est une façon de s’exprimer ; l’art est une autre. Il y a la communication gestuelle. Il y a aussi toute une chimie qui se passe. Tu dégages des hormones. Tout ça, c’est de la communication. On est toujours en communication les uns avec les autres : la façon dont on s’habille, les sourcils qui se froncent… On est tout le temps en train de s’envoyer des informations. L’art, la musique sont comme la danse, des façons pour exprimer des sentiments. C’est comme ça que je le vois. Et il y a aussi toute cette mouvance esthétique, les esthètes qui travaillent pour le fait de faire des choses qui sont belles. Nous, on est moins là-dedans. On a toujours été plutôt dans le « Il faut qu’on ressente quelque chose ». Donc, si pour toi, c’est faire des choses d’une façon romantique, dans ce cas-là, on est entièrement d’accord. Je ne conçois pas l’idée de faire quelque chose de romantique comme ça. Par contre, je travaillerai toujours dans le sens de si jamais je suis en train de travailler sur un morceau et je l’écoute et je me dis « je ne ressens rien », dans ce cas, il passe à la poubelle. Je n’ai pas envie de faire quelque chose pour le fait de le faire. Ou bien je fais des exercices de style. Ça, je le fais pour moi, à la maison. Enfant, j’aimais bien tapé sur des casseroles pour faire du bruit, pour voir le bruit que ça faisait. Moi, je trouve ça agréable. Je n’aime pas que quelqu’un le fasse dans la même pièce mais ça, je ne vais pas le mettre sur un disque et le donner à quelqu’un. Bowie a fait des trucs comme ça aussi. Beaucoup d’artistes underground en faisaient partie, toute la mouvance hard-rock qui faisait vraiment de l’esthétique pour le fait de faire de l’esthétique. Et puis Bowie a une phase, c’est presque du design musical. Il y a aussi des trucs que j’écoute et que j’adore qui sont dans la mouvance électronique qui sont purement des exercices. C’est du soundscape, de l’exercice sonore, c’est un truc d’ingénieur du son. C’est pour ça que j’ai énormément d’admiration. Ça me fait ressentir des choses, de l’admiration pour le travail qu’il y a dedans. Comme regarder un ébéniste ou un sculpteur, il y a une part de savoir-faire pour laquelle j’ai beaucoup de respect. Mais l’idée principale, c’est d’écrire un truc et ça créé une émotion que ce soit de la joie, de la peur, angry (de la colère)… Pour moi, de nouveau, la langue est limitée dans l’expression des émotions, le nombre de mots… Par contre, la musique peut dire beaucoup plus. C’est mon interprétation de l’art et de la musique.
Restons monochrome ! En guise de dernière question, je vous laisse donc carte blanche…
Matthew : Le nouvel album est vraiment très très bien. Je crois que c’est notre meilleur disque. Vous l’avez reçu ? Je suis très fier de tous les disques qu’on ait faits jusqu’à présent mais celui-ci, je crois qu’on a pris une taille en plus. Il est très bien.
Le disque de la maturité ?
Romain : On met quatre disques à être matures.
Matthew : On ne sera jamais matures. Je n’ai pas envie d’être grand.
C’est à notre photographe d’entrer en scène. Vous les préférez en couleurs ou en noir et blanc ?
Romain : Ah, joli !
Ziggy : Ca dépend du nombre d’heures qu’on a pu dormir la veille !
Matthew : Je pense qu’on va prendre le noir et blanc.
« Colours », le nouvel album de Puggy sortira le 22 avril. Vous pouvez déjà entendre « Lonely Town », le premier single.
Nous ne manquerons pas de saluer le groupe au cours d’une halte de leur tournée Ricard SA Live Music en compagnie du groupe Rocky à la Sirène de La Rochelle le 25 mars prochain.