« Interview bestialité vs humanité »

La Bestiole vient de sortir de scène… Sauf que je n’étais pas là pour assister à ça ! ! Après un 1 000 mètres à contre-courant, l’arrivée derrière la scène Zebrock se fait un peu avant l’heure fixée la veille. Les espaces clos aux alentours ayant fermé les portes quelques minutes auparavant, me voilà embarquée dans le bureau de La Bestiole, duo rock, en leur compagnie. Leur lieu de travail est donc une 307 à toit ouvrant, imperméable au bruit. Olivier Azzano (guitare, basse, chant) est au volant. Côté passager, Delphine Labey (batterie, cajon, chant) a pitié de moi et me tient gentiment mon outil de travail. Place à notre grande discussion !

Carnets de Concerts : La Bestiole, ça sonne plutôt péjorativement, non ?
Olivier Azzano : Oh bah non, pas du tout. Pourquoi ?
Delphine Labey : Moi déjà que j’aime bien la sonorité de « bestiole ». Ca sonne effectivement pas joli mais beau. Enfin, pour moi, ça sonne.
Olivier : Ouais, qu’est-ce que tu trouves de péjoratif ? Parce que « bestiole », c’est une petite bête quand tu regardes dans le dico, une petite bête assez inoffensive, donc ça va. L’idée, c’était d’être deux et d’être représentés par une seule entité. Pour nous, la bestiole qu’on imagine, c’est un truc avec un corps, deux têtes et pis quatre bras.

CdC: A votre sortie de scène, votre humeur de l’Huma, c’est B comme… ? [Référence au titre de l’album]
Delphine : Béats, béatitude ! Ca fait du bien, c’est génial, c’est agréable… On se sent comme après un gros effort qu’on a kiffé à faire et on a pris du plaisir.
Olivier : B comme bonheur !

CdC : C’est vrai que ça s’y prête drôlement. La dernière fois où vous avez cherché la petite bête ?
Olivier : On se la cherche tout le temps ! Hier, on a fait un concert : aux balances,  on s’est cherché la petit bête.
Delphine : C’est histoire de montrer qu’on est bien réveillés !

CdC : « Bestiole » a aussi pour sens désuet « une jeune fille sans esprit ». J’espère bien sûr que c’est un nom à contre-emploi ?!
Olivier : Non, pourquoi ? Moi, j’aime bien. C’est bien de ne pas avoir d’esprit. On dit toujours : « Heureux les simples d’esprits », non ? Moi, ça me va bien ça.
Delphine : Moi aussi ! C’est le corps, l’instinct, les émotions qui priment et pas le cérébral.

CdC: Vous sentez-vous plus humain ou animal lorsque vous montez sur scène ?
Delphine : Animal !
Olivier : Oui, animal !
Delphine : Ca rejoint ce que je viens de dire : pour moi, c’est juste de l’instinct, de l’émotion. La musique, ça transmet ça et y’a rien de cérébral et de raisonné là-dedans.
Olivier : Je crois que la meilleure façon d’être un bon humain, c’est de ne pas oublier qu’on est avant tout des animaux.
Delphine : Voilà. Intelligents, certes mais enfin, animaux d’abord.

CdC : Rémi de Gourmont a dit dans Promenades littéraires : « Prêter aux bêtes des lueurs d’humanité, c’est les dégrader. » Vous en pensez quoi ?
Delphine : Ah ouais, c’est pas mal du tout ça ! Ca me plaît bien.
Olivier : L’être humain est quand même l’animal qui fout le plus le bordel sur cette planète donc, moi, je le prends dans ce sens-là.
Delphine : … à cause de son intelligence.
Olivier : Est-ce que son intelligence n’est pas en rapport direct avec sa bêtise ? Souvent, les gens les plus désagréables sont des gens extrêmement intelligents, en fait. Les gens les plus offensifs dans l’histoire de l’humanité ne sont pas forcément des gens qui étaient bêtes, bien au contraire. Les gens les plus dangereux devaient être les plus intelligents. Est-ce que l’intelligence n’est pas un danger, quelque part ?
Delphine : Du coup, ça engendre une conscience de qui on est, du pouvoir qu’on peut avoir sur les autres, la manipulation. L’humanité, les guerres, c’est toujours des rapports de pouvoir, d’espace, de territoire… C’est l’intelligence aussi qui dit « si je fais ça », «  si je vais les voir eux », « si je prends ça, qu’est-ce qui va se passer ? ». Quoi, quoi ? L’animal n’est pas là-dedans.
Olivier : Alors moi, avec tout ce qu’on dit, je suis encore beaucoup plus fier de notre nom. En fait, on n’avait pas pensé à tout ça… On n’avait pas pensé à la bestialité dans notre « bestiole ».
Delphine : Ouais, merci Aline !
Olivier : Et du coup, ça me plaît bien !

CdC : Et ce n’est pas terminé ! Alors, faut-il envier la vie des animaux ?
Olivier : Nous sommes des humains, c’est comme ça, il faut faire avec. Y’a des trucs assez agréables, quand même. Donc, profitons de ce qui nous est offert ! Notre intelligence nous sert quand même à pas mal de choses. On ne ferait pas du rock n’roll si on était des animaux ! Tu dis rien, Delphine ?
Delphine : Non, je raisonne sur ce que mon collègue vient de dire…

CdC : Ah, vous vous appelez « collègues » entre vous ?
Delphine : Ah oui, de temps en temps…
Olivier : … collègues de boulot…

CdC : Des petits noms d’animaux peut-être ?
Delphine : Non, pas du tout. En général, on s’appelle par nos noms de famille : Azzano et Labey. Ce n’est pas glamour mais c’est comme ça. Quand on est fâchés, c’est surtout par les noms de famille ! « Azzano, qu’est-ce que tu fous ? Ouais, Labey, arrête ! ».

CdC : La scène Zebrock, je me sentais obligée de la faire… Comment le public réagit-il quand vous faites le zèbre ? Selon, mes sources, puisque je ne vous ai pas vus, il paraît que sur scène, c’est plutôt visuel…
Olivier : Je n’ai pas compris la question déjà. Le zèbre ? On ne fait pas le zèbre ! C’est quoi, c’est une position ?
Delphine : Faire le show, l’extravagant, s’amuser…
Olivier : On ne voit pas grand-chose : Delphine est debout, derrière sa batterie et elle chante. Voilà, c’est essentiellement ce qu’on voit et moi, je suis debout, derrière une guitare et je chante. Après, on n’est pas extravagants pour autant.
Delphine : Non, c’est juste beaucoup d’énergie et y’a beaucoup de lâchers. Du coup, ça nous arrive de sortir de scène et de nous demander à quoi on marche. Effectivement, on est deux sur scène mais on fait un barout de quinze.

CdC : Ah mais c’est vous que j’entendais depuis la scène de Didier !
Delphine : Ah bah écoute, j’ai envie de te dire, certainement.
Olivier : Pendant qu’on jouait, t’es allée voir les Wampas, en fait !

CdC : Je suis restée bloquée…

CdC : Tel le caméléon [référence au titre du même nom], vous vous adaptez à tous les milieux ? Tout aussi capable de chanter à la Fête de l’Huma que dans un cadre plus intimiste ?
Delphine : Oui, complètement et d’ailleurs, c’est ce qu’on aime. Parce que de toute façon, les chansons en elles-mêmes, là, on les joue en électrique. J’ai ma batterie spéciale « bestiole » complète, comme pour la Fête de l’Huma mais on sortirait juste la guitare folk ou un cajon pour avoir une base rythmique et ça marcherait tout aussi bien parce que…
Olivier : … elles sont composées de façon intimiste, à la guitare folk…
Delphine : … et à la voix…
Olivier : … un bout de papier, des textes et pis voilà ! Oui, donc, on peut le faire partout.

CdC : Mais est-ce que vous avez une préférence ?
Olivier : Je t’avouerais que moi j’aime bien quand y’a du gros son, quand la guitare fait mal aux oreilles et que y’a du monde en face, bien sûr.

CdC : Quelle proximité avec le public ?
Olivier : On n’a pas encore fait de grosses choses pour se rendre compte.
Delphine : Moi, j’aime à partir du moment où je peux voir le public parce que j’aime le voir. Là, je suis heureuse que ce soit un petit, moyen, grand espace
Olivier : J’ai l’impression qu’à partir du moment où tu es généreux et honnête sur scène, quelque soit le nombre de personnes que tu as en face, t’es en proximité avec ton public. Je n’ai pas joué devant 80 000 personnes encore… Là, y’avait quoi ? 2-3 000 personnes aujourd’hui ?
Delphine : Je ne sais pas.
Olivier : Je me suis senti en proximité la aujourd’hui.
Delphine : Moi aussi.
Olivier : On a beau ne pas être sur une très grande scène, j’avais vraiment l’impression de leur parler.
Delphine : Ouais, c’était très agréable parce qu’on sentait que les gens étaient cools, étaient heureux. Donc, là, il y en avait debout, il y en avait assis… Les gens étaient là et c’était bien, très agréable, super !

CdC : En quel animal aimeriez-vous vous réincarner ?
Delphine : C’est une bonne question… Je vous remercie de l’avoir posée…
Olivier : En panda. Tout le monde s’occupe de toi, tellement il en reste peu. Dès que t’es panda, y’a tout le monde autour de toi, à te chouchouter. Et il faut surtout que tu ne fasses rien du tout. C’est pas mal, panda, non ?
Delphine : Moi, en chat. Parce que le chat c’est câlin et en même temps, indépendant. En même temps, ça a envie de se lover et en même temps, ça peut sortir ses griffes.
Olivier : Ca fait pipi partout…
Delphine : Moi, quand je monte sur scène, je marque mon territoire.

CdC : Vous avez besoin d’affection tous les deux ?
Delphine : Oui, totalement. Nous sommes de grands affectifs !
Olivier : Quand tu montes sur scène, t’as un petit peu envie qu’on s’occupe de toi, qu’on te voit…
Delphine : Ce qui est très agréable, c’est qu’on a besoin qu’on nous voit, qu’on s’occupe de nous, qu’on nous aime mais on a aussi une furieuse envie d’aimer. Donc voilà, la scène c’est bien pour ça.

CdC : Alors, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter humainement et musicalement pour l’avenir ?
Olivier : Musicalement ? Bah, d’ici un an ou deux, d’être sur la grande scène de la Fête de l’Huma.
Delphine : Oh ouais !
Olivier : Humainement, moi, ça va : que ça continue comme ça !
Delphine : Exactement ! Qu’on continue à se faire plaisir et à faire plaisir aux autres, en se faisant plaisir.

CdC : Merci à vous ! En direct de la voiture, c’était Clo’s Song pour Carnets de Concerts – le Webzine. A vous les studios !


http://www.myspace.com/labestiole

En off, la discussion a continué. Un grand merci à Vanessa, la manageuse. Le groupe tient également à remercier Stéphanie Labbé pour son travail artistique de l’expression corporelle à l’arrangement (élaboration des chansons, direction artistique, arrangement…).

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